Comme on le sait maintenant bien, la loi canadienne anti-pourriel (la « LCAP », ou « CASL » selon l’acronyme anglophone) visetous les messages numériques à caractèrecommerciaux que peuventexpédier les entreprises. Cela dit, certaines questions demeurent quant aux genre de messages que la loi vise en réalité. Par exemple, ladéfinition de la LCAP est-elle assez large pour viser les messages de souhaitsexpédiés à l’occasion de la période des Fêtes ? C’estlàune question que se pose plus d’une organisation à l’heureactuelle, particulièrement à cette période de l’année.
Vous comprendrez que la problématique ici a trait au fait que si les courriels de souhaits sont visés par la LCAP, alors ils demandent les mêmes précautions (consentement, etc.) et les mêmes éléments de forme qu’un courriel de nature commerciale habituel. Mais est-ce le cas? La question sur laquelle je me pencherai aujourd’hui dans le cadre de ce billet est donc la suivante :
En vertu de la LCAP, les courriels de souhaits des Fêtes posent-ils un problème ?
Question de commencer par le commencement, rappelons qu’en vertu de la LCAP, un « message électronique » (numérique) correspond à tout courriel, SMS et tout message expédié par les medias sociaux ou par messagerie instantanée. Bref, à peu près tout message en format numérique est couvert par cette loi. Or, la loi impose désormais des règles aux entreprises qui expédient de tels messages quand cela est fait dans un contexte commercial (ce qui couvrira la majorité des messages acheminés par une entreprise, par définition). En fait, techniquement, le critère utilisée ici est de savoir si un message électronique est ou non un « message électronique commercial » dans le texte de la loi (un « MEC »). Si c’est un MEC, alors la LCAP s’applique, à défaut, la loi ne s’applique pas.
On se retrouve donc avec deux catégories de messages électroniques : ceux qui sont des MEC, d’une part, et tous les autres, d’autre part.
Pour qu’un message soit considéré un MEC, son contenu doit « favoriser la participation à une activité commerciale ». En vertu de la LCAP, rappelons qu’une activité commerciale correspond à tout acte ou activité qui revêt un caractère commercial (oui, la définition est légèrement circulaire, j’en conviens), que le but de cet acte ou de cette activité soit de réaliser un profit ou non. On s’entend, cette définition est très large !
Bref, un courriel expédié par une entreprise sera considéré un MEC (et donc visé par la loi), si on peut considérer (en l’examinant) qu’il vise à promouvoir l’entreprise, ses biens ou ses services -c’est le thème.
Vous le comprendrez, le problème auquel cela nous mène a trait à l’interprétation de l’expression « favoriser la participation ». Si un courriel est en fait une publicité, c’est clair, il s’agit d’un MEC. De la même façon, si un courriel fait la promotion de votre entreprise, par exemple en mentionnant qu’elle existe, quels services elle offre et/ou à quelle adresse on peut trouver son site Web, sera aussi généralement considéré comme un MEC. La raison a trait au fait qu’une personne moyenne raisonnable conclurait que ces messages ont pour but (premier ou secondaire) d’encourager des clients ou des individus à interagir avec l’entreprise ou l’organisation quant à ses activités.
Si, par contre, on présente simplement dans un courriel un message AUTRE, on devra alors examiner le corps et le titre du message afin de déterminer si on est (juridiquement) en présence ou non d’un message qui vise à favoriser la participation à votre activité commerciale (i.e. votre entreprise, ses produits ou ses services).
Le CRTC (chargé de l’application d’une partie de la LCAP) a officieusement pris la position que le logo d’une organisation ou d’une entreprise au bas d’un courriel ou même l’inclusion d’un lien vers son site Web ne confèrent pas, à eux seuls, le caractère de MEC à un message. Par contraste, l’inclusion du slogan de l’entreprise aura semble-t-il tendance à nous mener à la conclusion qu’il s’agit d’un MEC, parce qu’on fait alors sa promotion, toujours selon le point de vue du CRTC.
Évidemment, la nature du texte inséré dans le courriel influera largement sur la qualification éventuelle d’un message comme un MEC ou non. Par exemple, vante-on les mérites de telle organisation ou de ses services? Décrit-on les services offerts? etc. À l’inverse, un message qui se limiterait au mot « Bonjour », par exemple, aurait à la base peu de chances d’être qualifié de MEC, parce qu’essentiellement vide de contenu du point de vue commercial.
Cela nous amène finalement à notre question de savoir si un courriel dont l’unique message serait de souhaiter de joyeuses Fête se qualifierait de MEC. En définitive, la question demeure sans réponse officielle, bien que certains responsables gouvernementaux ont exprimé des réserves quant à une interprétation de la LCAP qui rendrait de tels messages sujets à la loi. Cela dit, à lire le texte de la LCAP, la possibilité demeure néanmoins bien réelle, il n’y a pas de doute, selon moi et plusieurs autres.
Chose certaine, quand la question se pose, un examen attentif du titre et du contenu textuel du message s’avérera nécessaire, afin de déterminer si on est ou non en présence d’un MEC. Si on évite d’inclure tout slogan et qu’on se limite à de réels souhaits des Fêtes, le risque que le CRTC ou un tribunal éventuel puisse qualifier le message de MEC semble faible, bien que pas inexistant. Après tout, pourquoi se donne-t-on la peine d’expédier un message à nos partenaires d’affaires, notre clientèle ou nos usagers, si ce n’est pour renforcer les relations de l’entreprise avec eux et/ou pour des considération de mise en marché ? Difficile, selon moi, de prétendre que ce n’est pas là à tout le moins L’UN des buts recherchés par beaucoup de ces types de messages.
Bien que cette réponse n’en soit pas une (je sais!), le dernier mot sur cette question est que la qualification éventuelle d’un message de vœux des Fêtes dépendra sans doute, au cas par cas, du contenu exact de chaque message. Tout dépendant de leur contenu exact, certains de ces messages dépasseront la limite permise (et seront considérés MEC), alors que d’autres pas.
On notera au passage que, peu importe la qualification d’un message de voeux, certaines exceptions existent dans la loi et qui pourraient s’appliquer, tout dépendant des circonstances et des destinataires. Ces exceptions comprennent notamment l’exception des communications généralement permises entre préposés d’entreprises faisant affaires ensemble, pour les fins de la relation entre ces organisations. Dans bien des cas, on pourrait au moins avoir la possibilité de se prévaloir de ce genre d’exception pour éviter les prérequis de consentement à obtenir -au moins!
En définitive, la conclusion à tirer de ce qui précède est que tout organisation qui achemine des souhaits des Fêtes en format numérique le fait en s’exposant à un risque lié aux dispositions de la LCAP. Idéalement, on ferait bien d’assumer que la LCAP s’applique, en obtenant donc le consentement avant l’envoi (à tout le moins pour les individus destinataires qui ne sont pas parties d’organisations avec lesquelles l’entreprise a une relation en cours) et en incluant les éléments de forme requis par la loi dans tous les messages de ce type.