Les sociétés PUMA CANADA INC. et PUMA NORTH AMERICA INC. (fabricants des chaussures de sport de marque PUMA) sont présentement aux prises avec une poursuite intentée au Québec par l’athlète (et médaillé olympique) Bruni Surin. La genèse de cette affaire a trait à la mise en marché par PUMA de chaussures portant aussi les marques SURIN, BRUNI SURIN et CELL SURIN. Bien que cette trame puisse sembler s’avérer une affaire de contrefaçon de marque de commerce sans rapport avec le monde numérique, un revirement récent, au contraire, illustre l’importance que l’Internet peut avoir (juridiquement) dans le monde actuel, même quand les faits ne semblent pas y avoir particulièrement trait.
La poursuite de Bruni Surin a été instituée au Québec, ce à quoi s’opposait récemment la société Puma North America Inc. (« PNA ») par une requête en exception déclinatoire. Question de tenter d’éviter de devoir débattre de cette affaire au Québec, PNA allègue n’avoir ni siège social ni établissement ici et, de plus, qu’elle n’aurait vendu aucun article de ce type au Québec et, donc, qu’il n’y a pas juridiquement de raison de débattre de cette affaire devant un tribunal québécois.
Le juge Hébert de la Cour supérieure rejetait le mois dernier cette demande (en rejet pour défaut de compétence), par sa décision Surin c. Puma Canada inc., 2017 QCCS 382, en concluant que, selon lui, un tribunal québécois s’avère tout à fait compétent pour entendre ce litige de marques dans les circonstances.
Selon le tribunal, certains faits relient bien cette affaire à la province de Québec, conformément à ce qu’exige l’article 3148 du Code civil du Québec en matière de compétence judiciaire. En l’occurrence, à la face même du dossier (on parle d’allégations ici, pas de faits dont la preuve a été établie) une faute serait survenue au Québec et le préjudice du demandeur y aurait été subi. Selon la décision, en de telles circonstances le Québec s’avère une juridiction appropriée pour statuer sur la question de la violation des droits de M. Surin sur ses marques de commerce.
Là où cette affaire fait intersection avec le numérique a trait à la vente de chaussures de marque PUMA par le site Web de l’entreprise. Ce site Web serait disponible aux Canadiens et comprendrait (évidemment) une version anglaise et une version française. Notons ici qu’à ma lecture de la décision, je crois comprendre qu’aucune preuve spécifique n’a été présentée ici par Puma démontrant l’absence de vente des articles visés au Canada (et au Québec en particulier). Selon le juge, la preuve au dossier jusqu’à présent « permet de croire que les produits à l’origine de cette affaire sont en vente au Canada, via un site internet transactionnel américain ». Ces faits permettent au juge ici de conclure qu’il est vraisemblable (malgré la prétention contraire de Puma) que, ce faisant, des ventes des articles en question soient aussi survenues au Québec. Puisqu’à ce stade des procédures on doit tenir pour avérés les faits allégués par le demandeur, pour l’instant on peut donc conclure que, oui, une faute aurait été commise au Québec et qu’un préjudice y aurait été subi, compte tenu de la résidence au Québec du demandeur. La Cour supérieure a donc compétence.
Cette affaire démontre la propension que peuvent avoir les tribunaux québécois à s’arroger compétence sur une affaire de contrefaçon de marque d’un Québécois déposée ici, du moins quand la trame de faits implique des ventes en ligne. De ce fait, toute entreprise de l’extérieur de la province poursuivie au Québec pour une telle affaire a intérêt à être en mesure de démontrer que ses produits ne sont PAS disponibles (y compris par son site Web) aux acheteurs québécois.
Le dossier de contrefaçon des marques de Bruni Surin peut donc maintenant se poursuivre au Québec. À suivre…