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Yahoo! trainée de force devant les tribunaux du Québec suite au hack de 2013-2014

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La Cour supérieure rendait il y a quelques jours une décision obligeant Yahoo! à subir un recours collectif au Québec, et ce, malgré l’existence d’une poursuite similaire en Ontario et visant en principe à couvrir tous les Canadiens.  La décision en question est celle de Demers c. Yahoo! Inc. (2017 QCCS 4154).

À moins d’un appel de cette décision, Yahoo! devra donc se défendre au Québec, contre une poursuite visant à indemniser les Québécois contre les préjudices découlant de l’intrusion informatique de 2013-2014 et ayant touché un grand nombre d’usagers de ses services.

Ce qui peut parraitre surprenant, c’est que le droit québécois avait, jusqu’à maintenant, tendance à permettre aux Yahoo! de ce monde d’éviter le problème, en insérant dans leurs modalités d’utilisation (le contrat théorique les liant à chaque usager) une clause de choix de juridiction. Pour Yahoo!, par exemple, c’est l’Ontario que le contrat désigne comme la seule juridiction où une poursuite par un usager doit se produire.

Jusqu’à maintenant, ce type de mécanisme a généralement immunisé les fournisseurs de services grand public opérant au Québec (comme Facebook, p ar exemple) à cause d’une particularité du droit québécois : le type de clause en question est valable en droit, pourvu qu’on ne soit pas en présence d’un contrat d’adhésion ou un contrat de consommation. Or, un « contrat de consommation », en est un où le commerçant reçoit le prix de ses services -un prérequis qui semble donner raison aux sociétés qui rendent gratuitement des services par Internet sans que l’usager doive débourser quelque somme que ce soit. Pas de prix, pas de problème, si vous voulez.

Là où le bât blesse (maintenant), c’est que contrairement à la lecture qu’avait généralement fait notre jurisprudence de la définition d’un « contrat de consommation », le prérequis n’est peut-être pas le paiement d’un prix en argent comme tel. En effet, le tribunal dans l’affaire Demers souligne qu’à bien le lire, l’article 1384 du Code civil du Québec parle en fait d’un contrat pour obtenir des biens ou des services que l’individu se procure, soit en payant un prix en argent ou « de toute autre manière ».

Selon le tribunal ici, un usager qui s’abonne à Yahoo! se procure les services en question d’une autre manière, dont en fournissant à la société un achanlandage qu’elle peut alors monnayer pour des frais de publicité, etc. Il y a donc dans un sens (dématérialisé) une certaine contrepartie dont bénéficie Yahoo!, assez du moins pour statuer qu’en droit nous sommes bien en présence d’un contrat de consommation.

Ce faisant, une clause de choix de juridiction imposée dans le contrat avec les usagers s’avére invalide; M. Demers peut donc valablement poursuivre Yahoo! au Québec, au noms de tous ceux qui ont subis un préjudice liée à cet incident de sécurité.