Encore aujourd’hui, le statut juridique des « API » s’avère difficile à établir avec certitude. Une API est-elle protégée par le régime du droit d’auteur, comme toute autre composante logicielle ? Les tribunaux continuent d’hésiter quant à la réponse à donner à cette question.
Une « API », un acronyme pour « interface de programmation applicative » (en anglais, « Application Programming Interface ») peut notamment se constituer de bibliothèques logicielles offrant, par exemple, des méthodes et des fonctions logicielles qu’on pourra utiliser pour invoquer les fonctionnalités d’un autre programme. En somme, l’API servira généralement (comme son nom l’indique) à faire le pont entre deux programmes. Pensez à une boîte noire qui permet d’invoquer les fonctions d’une application sans en connaître le fonctionnement interne. Il s’agit là d’une méthode très souvent utilisée en informatique.
Un tribunal fédéral américain infirmait récemment plusieurs décisions antérieures, en concluant cette fois qu’une API peut s’avérer protégée par le régime du droit d’auteur, et qu’on ne peut donc pas simplement l’inclure dans un autre produit sans autorisation. Ainsi, selon cette jurisprudence toute récente, l’API est certes créée pour permettre d’interagir avec un certain programme, mais cela n’implique pas que son créateur renonce pour autant à contrôler son inclusion dans d’autres produits créés par des tiers.
Le litige à la source de la décision en question (Oracle Am., Inc. c. Google LLC) tournait justement autour de l’inclusion de l’API de Java par Google dans le système d’exploitation Android. Après plusieurs décisions, Oracle aura finalement eu gain de cause en appel. Au final, la Cour d’appel vient essentiellement statuer qu’une API pourra souvent être considérée comme une composante logicielle protégée par le droit d’auteur. Si on la reproduit sans disposer d’une licence, il y aura donc généralement contrefaçon et possibilité d’un recours.
Le tribunal vient d’ailleurs aussi ici conclure que l’utilisation de l’API d’Oracle dans Android ne peut être qualifiée d’usage équitable (« fair use », en droit américain), notamment compte tenu du fait qu’Android a été positionné comme concurrent de Java.
Cette décision est un bon exemple du fait que toute entreprise utilisant une API développée par un tiers devrait présumer qu’une licence s’avère nécessaire, même si, historiquement, les développeurs ont souvent tenu pour acquis que ce n’était pas le cas. Évidemment, plusieurs API sont des logiciels libres ou offerts en vertu de permissions énoncées clairement ; à tout événement, la dispute Google-Oracle le démontre, on a tout intérêt à faire ses devoirs avant d’utiliser ou d’inclure l’API d’autrui dans ses produits logiciels. Bien que cette décision soit une décision américaine, il est évident que devant une telle question, les tribunaux canadiens sont tout à fait susceptibles d’hésiter eux aussi quant à la protection à accorder ou non aux API. Devant une telle incertitude, la prudence est de mise…