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Registres privés d’usage de marques de commerce, ou la technologie des chaînes de blocs à l’aide des détenteurs et des utilisateurs de marques

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La technologie des chaînes de blocs (« blockchains », en anglais) fait progressivement son entrée dans le monde des affaires. Bien que jusqu’à maintenant largement réservée aux adeptes de cryptomonnaies, cette technologie commence à être appliquée à de nombreuses autres utilisations, y compris dans divers sous-domaines du droit. Le dernier exemple dont je suis témoin : la création d’un service visant à aider les entreprises à consigner des preuves de leur utilisation de noms et de marques de commerce.

Ainsi, je suis actuellement impliqué dans l’adoption d’un nouveau système dont le fonctionnement repose sur la technologie des chaînes de blocs telle qu’appliquée au domaine des marques de commerce. Essentiellement, l’idée est de se servir de la possibilité qu’offre cette technologie pour créer un registre immuable de certaines entrées datées de façon précise et fiable. Le système permet de consigner les détails de l’utilisation que fait telle ou telle entreprise de ses marques de commerce, à tel moment de son histoire. Une fois consignée, l’information à ce sujet demeurera inscrite dans le registre (distribué) en question, sans qu’on puisse ensuite l’altérer.

On peut ainsi se servir du registre pour indiquer comment tel nom ou telle marque a été utilisé, à compter de quand, avec preuves et spécimens (en format numérique) à l’appui. Si on est assez diligent, on peut d’ailleurs aussi consigner dans le registre les efforts promotionnels consacrés à telle ou telle marque, de façon contemporaine, nous facilitant ainsi le travail à l’avenir si jamais on doit démontrer quels efforts ont été faits pour promouvoir ou faire connaître la marque en question. Tout ceci évitera d’avoir à chercher pour (re)créer cette preuve si jamais elle s’avérait nécessaire.

Au besoin, toute entreprise nous ayant permis d’ainsi créer un registre de l’utilisation de ses marques pourra donc consulter le registre et démontrer, au besoin, l’historique et la nature de son usage de ses noms ou marques de commerce, ce qui peut s’avérer pertinent dans plusieurs situations, notamment en cas de conflit avec un tiers. Évidemment, ce genre de registre privé n’empêchera pas un tiers contre lequel un litige se dessine d’affirmer que l’information consignée dans le registre était fausse lors de son inscription, mais au moins le registre constituera une preuve facile à défendre du fait que le détenteur de la marque a bel et bien consigné certains faits quant à la marque visée, à telle ou telle date. L’exercice de consignation de l’information quant à l’usage des marques évitera aussi le défi que présente la collecte de preuve à ce sujet une fois qu’un litige se présente, ce qui jusqu’ici pouvait s’avérer un exercice pénible, voire impossible, particulièrement quand beaucoup de temps s’est écoulé.

Il s’agit là d’un bon exemple de l’utilité des registres distribués qu’on peut créer grâce aux chaînes de blocs.

La beauté de la chose repose notamment sur la facilité avec laquelle les preuves d’utilisation peuvent être ainsi consignées au registre en question. Par la suite, le temps venu, il s’avère aussi très facile de consulter ou d’ajouter d’autres informations au registre, comme d’autres preuves, etc. Et, comme mentionné ci-dessus, le registre étant un registre de chaînes de blocs, sa modification s’avère essentiellement impossible, conférant ainsi en pratique au registre une valeur probante accrue. Loin de s’avérer une gimmick, l’outil en question tire avantage de caractéristiques novatrices de la technologie des chaînes de blocs pour créer quelque chose qui n’était pas auparavant possible : un registre privé, mais ouvert, et auquel on pourra se fier, dans le temps, pour démontrer l’existence d’un état de fait à certains moments précis.

De tels registres fournissent aussi un nouvel outil de gestion des droits de marques de commerce, particulièrement (mais pas exclusivement) celles qui sont utilisées, mais qui n’ont pas fait l’objet de procédures de dépôt. Par exemple, en cas de questionnement éventuel à savoir quand l’entreprise a commencé son utilisation de telle ou telle marque quant à tel ou tel type de produits, le registre pourra nous le dire.

Dans le contexte des marques de commerce, une telle possibilité représente un outil qui pourra s’avérer très pratique pour les entreprises détentrices de portefeuilles de marques qu’elles veulent gérer de façon adéquate. En prime, quand vient le temps de vendre et/ou de céder une marque de commerce, la preuve amassée dans un tel registre pourra faciliter le travail à faire pour le cédant et le cessionnaire.

Je ne serais pas étonné que ce genre d’outil devienne monnaie courante au cours des prochaines années, non seulement pour aider à la gestion des portefeuilles de marques de commerce, mais aussi à de nombreuses autres sauces, notamment en droit commercial.