C’est officiel depuis peu, le Canada a signé son nouvel accord de libre‑échange nord-américain avec les États-Unis et le Mexique. L’Accord Canada-États-Unis-Mexique vient changer la donne sur plusieurs sujets d’ordre économique, mais aussi certaines questions juridiques. Comme nous le mentionnions récemment, cet accord viendra notamment exiger que le Canada modifie ses lois en matière de propriété intellectuelle.
Le Chapitre 20 de l’ACEUM exige en effet que le Canada modifie ses lois touchant notamment les brevets d’invention, le droit d’auteur et les marques de commerce. L’énumération des modifications requises fait une soixantaine de pages!
Tel que rapporté en octobre dernier, pour ce qui est du droit d’auteur, l’article 20.H.7 prévoit que le Canada adopte dorénavant les durées de protection (très longues) adoptées au cours des vingt dernières années par nos voisins du sud, notamment, semble-t-il, suite à un lobbying intense de la société Walt Disney pour éviter que le personnage de Mickey Mouse ne tombe dans le domaine public. Ainsi, la durée de base passera de la durée de la vie de l’auteur plus cinquante (50) ans à la durée de vie plus soixante-dix (70) ans ou soixante-quinze (75) ans dans le cas de la musique ou d’œuvres publiées par des sociétés. Bref, nous plions aux demandes américaines en adoptant des durées de protection passablement plus longues pour les œuvres protégées par le régime des droits d’auteur.
Le traité comporte aussi des dispositions obligeant le Canada à inclure la protection des mesures de protection technologique dans ses lois en matière de droits d’auteur, ce que le Canada fait déjà. Par contre, j’avoue que je n’ai pas encore fait l’exercice d’analyse de ce qu’exige le nouveau traité à ce sujet, comparativement à ce que contient déjà notre Loi sur le droit d’auteur. Je serais étonné que le traité de libre-échange n’exige pas une modification de notre loi à ce sujet en renforçant davantage nos dispositions au sujet des mesures de protection technologique que les entreprises peuvent associer à leurs œuvres, sur le plan technique, quand elles les publient.
Fait intéressant, l’ACEUM comprend aussi l’obligation d’ajouter à notre loi sur les marques (en plus de choses que nous étions de toute façon à mettre en place) un régime de dommages préétablis pour certains cas de contrefaçon de marques de commerce.
Ce chapitre du traité de libre-échange de l’ACEUM comporte aussi une section traitant des secrets commerciaux, aspect que le droit fédéral ne régit pas actuellement au Canada. Bien que le traité prévoie que le Canada devra le protéger, on mentionne que notre pays peut se conformer à cette obligation si le droit des provinces (ou des États, dans le cas des États-Unis) a le même effet de protection et de disponibilité de recours. Le traité exige cependant que le Canada protège les secrets commerciaux par des sanctions pénales. Bien que la jurisprudence (R. c. Olan et al. 1978 CanLII 9 [1978] 2 SCR 1175) affirme qu’un vol de tels secrets puisse se qualifier de « fraude » (au sens du Code criminel), il ne serait pas étonnant que le Canada ajoute une infraction spécifique de vol de secrets commerciaux à son Code criminel pour se conformer pleinement au nouveau traité de libre-échange.