Comme je le mentionnais récemment, le législateur canadien s’est récemment empressé comme il l’a rarement fait en adoptant à la hâte le projet de loi C-86, lequel vise entre autres à corriger un ensemble de problèmes avec nos lois en matière de propriété intellectuelle. L’un de ses amendements vise les avis que peuvent expédier les détenteurs de droits d’auteur à des usagers qui piratent du contenu en ligne : notre régime « d’avis de prétendue violation ».
Comme chacun le sait, le régime d’avis de prétendue violation est la réponse canadienne au modèle américain du « Notice and Takedown ». En vertu de la Loi sur le droit d’auteur (la « LDA »), notre version de ce dispositif permet simplement aux détenteurs de droits (sur un film, par exemple) d’exiger d’un fournisseur de services Internet (FSI) qu’il refile à ses clients un avis que lui transmet au besoin ce détenteur de droits quand il en soupçonne de pirater son contenu. En somme, si une société qui possède des droits d’auteur quant à une œuvre qu’elle croit être piratée par un usager de tel fournisseur, elle peut forcer ce fournisseur à communiquer un avis à son client de cesser ce qu’il fait d’illicite, à défaut de quoi on pourrait s’en prendre à lui. La lettre est relativement standard, mais s’avère utile à tout le moins pour indiquer à un usager que des traces suffisantes de ses activités illicites existent pour conclure qu’il est probablement en train de faire quelque chose d’illégal. Comme ce dispositif entraîne un avis au fournisseur puis un avis à l’usager, on parle communément du régime « d’avis et avis » (« Notice and Notice »).
Bien que ce régime soit en place depuis quelques années, on a vite constaté que les grands détenteurs sophistiqués de droits s’étaient accaparé ce dispositif d’une façon que le législateur n’avait pas prévue. En pratique, en effet, les détenteurs se sont rapidement mis à inclure dans ces avis, en plus du contenu minimal requis par la loi, des offres de règlement en contrepartie du paiement de sommes d’argent. Face à ce qui revient souvent à une menace (sans en être juridiquement une), de nombreux particuliers craintifs cédaient devant de telles demandes et acceptaient de payer des montants pour éviter plus de problèmes.
Face à ce zèle créatif des détenteurs de droits, le projet de loi C-86 vient amender l’article 41.25 de la LDA, en précisant dorénavant qu’il est interdit d’inclure dans les avis dont il est ici question l’une ou l’autre des choses suivantes :
a) une offre visant le règlement de la prétendue violation;
b) une demande de paiements ou de renseignements personnels; ou
c) un renvoi, notamment au moyen d’un hyperlien, à une telle offre, demande ou exigence; etc.
Dorénavant, pour être jugés valables en vertu de la LDA, les avis expédiés par des détenteurs de droits devront se limiter aux ingrédients obligatoires (en vertu de l’art. 41.25) : les nom et adresse du demandeur, l’œuvre visée, une déclaration des droits du demandeur, les données de localisation de l’emplacement électronique qui fait l’objet de la prétendue violation et, finalement, la prétendue violation et le moment exact de la commission de la prétendue violation.