Sans grande surprise, avec la démocratisation de la technologie des caméras de surveillance (dans ce monde de caméras de style GoPro, etc.), les situations tendent à se multiplier quant aux problèmes juridiques que cela peut impliquer. Plus récent exemple de cette tendance : si vous disposez d’une caméra qui capturera l’image d’un technicien faisant du travail pour vous (sur votre voiture, par exemple), peut-il éteindre la caméra ou supprimer les données qu’elle a captées ?
Radio-Canada mentionnait ce matin une trame de faits de ce type, alors qu’un Canadien a été surpris de constater que le technicien chez son concessionnaire s’est permis de désactiver la caméra de surveillance pointée vers l’intérieur de sa BMW pendant qu’il travaillait dans l’habitacle. Pire encore, le technicien se serait même permis de supprimer certains fichiers qui avaient été enregistrés par la caméra. En droit, cela présente-t-il un problème?
Loin de s’avérer théorique, cette problématique pratique se pose désormais dans un contexte d’appareils connectés et/ou de capteurs qui peuvent saisir toutes sortes de données autour de nous, de nos objets ou de notre propriété. Quand un tiers voit son image ou le résultat de ses gestes captés par un tel appareil ou capteur, les droits (réels ou perçus) des individus impliqués peuvent s’entrechoquer.
D’un côté, le préposé qui était filmé par l’appareil peut ressentir un malaise à l’idée de devoir travailler avec une caméra braquée sur lui sans raison. De l’autre côté de la médaille, un propriétaire de bien n’est-il pas en droit de contrôler son appareil ou ses propres biens ou lieux? De plus, dans un cas comme celui que mentionne l’article de Radio-Canada, dans la mesure où le préposé du concessionnaire s’est permis d’accéder aux enregistrements existants dans le système de la voiture (incluant des conversations privées du propriétaire et de sa famille) et d’en supprimer des données, il serait difficile de ne pas voir dans un incident pareil une atteinte aux droits du propriétaire de la voiture, notamment à sa propre vie privée ou, pire, un méfait quant aux données appartenant au propriétaire.
Sans me prononcer sur qui, du propriétaire de voiture ou du préposé, était dans le tort dans l’affaire dont il est ici question (si c’était arrivé au Québec), il faut tout de même avouer que le principe a quelque chose de préoccupant. La perspective d’un entrepreneur visitant notre domicile afin d’y effectuer des travaux et se permettant de désactiver (même momentanément) une caméra de sécurité le filmant s’avère sans doute (juridiquement) au-delà de la ligne de démarcation de ce qui est acceptable.
Avec la venue d’autant de caméras et se capteurs que peuvent placer ou apporter des citoyens dans toutes sortes d’espaces, qu’ils soient publics ou privés, notre société (et notre droit) n’a certainement pas fini de composer avec de tels problèmes. Comme on le comprendra facilement, le traitement juridique de ce genre de situation dépendra sans doute largement, chaque fois, de la trame de faits exacte et de la juridiction dans laquelle on se trouve.