Une décision récente de la Cour fédérale, Pyrrha Design Inc. c. Plum and Posey Inc. (2019 CF 129), vient appliquer le régime du droit d’auteur à la joaillerie. Bien que le tribunal y confirme qu’on peut apparenter un bijou à une petite sculpture (dans les bonnes circonstances de fabrication), une poursuite en contrefaçon ne sera pas toujours possible.
Cette décision concerne deux fabricants de bijoux et une série de bijoux fabriqués à partir de sceaux antiques. Vu la ressemblance des bijoux en présence, y avait-il contrefaçon? Question de vous donner un aperçu des bijoux dont il est question ici, en voici un échantillon parmi les neuf (9) qui faisaient partie des procédures intentées contre les défenderesses ici:

Après avoir constaté que certains bijoux vendus par les défenderesses comportaient des ressemblances importantes à ses bijoux inspirés de sceaux antiques, la requérante intente plusieurs poursuites en contrefaçon contre les défenderesses, dont celle-ci en Cour fédérale, cherchant à obtenir des dommages et une injonction pour violation de ses droits d’auteur, comme prévu aux articles 3 et 27 de la Loi sur le droit d’auteur (la «Loi»).
La première étape était évidemment de déterminer dans quelle mesure on peut considérer être en présence d’œuvres au sens de la Loi. Le tribunal se penche donc d’abord sur la façon dont PYRRHA DESIGN INC. (la «requérante») crée ses bijoux, en concluant à ce sujet qu’elle fait preuve d’assez de créativité et de jugement pour respecter le critère d’originalité qu’énonce la jurisprudence. Oui, donc, ces bijoux sont protégés par des droits d’auteur, du moins pour ce qui est des modifications et adaptations que l’artisan a apportées aux sceaux originaux pour en faire des bijoux, notamment en modifiant les bordures, en les polissant, etc.
Malgré qu’on puisse considérer être en présence d’œuvres issues en partie du travail créatif de la requérante, la ressemblance des bijoux de chaque partie ne signifie pas nécessairement qu’on soit en présence de contrefaçon. PLUM AND POSEY INC. et AND ADRINNA M. HARDY (collectivement, les «défenderesses») se sont peut-être inspirées des bijoux de la requérante, certes, mais cela n’équivalait pas, en droit, à une copie illicite.
Une partie de l’explication de cette conclusion du tribunal a trait au fait que les bijoux de la requérante sont faits à partir d’objets préexistants, dont des sceaux du XVIIIe et XIXe siècle. Son remoulage de ces objets dans de nouveaux bijoux dont on a oxydé ou poli le métal en fait de nouvelles créations, mais dont seule une petite part est attribuable au travail de la requérante. Au moment de comparer les bijoux en présence pour déterminer s’il y a eu contrefaçon, il faut se limiter à considérer seulement la part de chaque objet résultant qui est issue du travail de la requérante, pas l’ensemble. Or, puisque ce qu’elle a fait est très modeste (mouler, couler en métal, puis oxyder et polir le résultat), c’est uniquement de cela qu’il faut tenir compte, et comparer avec les bijoux des défenderesses.
La jurisprudence s’avère également claire: le droit d’auteur ne protège pas une idée, un concept ni une méthode, mais seulement l’expression de l’habileté et du jugement de son créateur. Ici, donc, il n’était pas question de trancher l’affaire sur la base du fait que les défenderesses ont fait des bijoux en utilisant des sceaux antiques, ni qu’elles en ont poli ou oxydé le métal, puisque tous ces éléments sont communs à l’industrie et dans le domaine public.
Résultat, on ne peut pas considérer qu’il y a eu ici reproduction d’une partie importante des œuvres de la requérante. Oui, il y a une grande ressemblance entre ces produits, au point où on peut même penser que les défenderesses se sont inspirées des œuvres de leur concurrente, mais le droit d’auteur ne s’y oppose pas. Tant que le seuil de la reproduction d’une partie importante n’est pas rencontré, on n’est pas en présence d’une contrefaçon à laquelle on peut s’opposer en droit. Ici, les différences mineures qui existent suffisent pour distinguer les œuvres des défenderesses de celles de la requérante.