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Quand les services de brevets à rabais finissent par coûter cher en erreurs

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La Cour supérieure entendait il y a quelques mois une affaire liée aux services de consultants en brevets d’invention qui se présentent dans le marché comme une solution de rechange aux véritables agents de brevet.

La décision Bérubé c. Fédération des inventeurs du Québec (2018 QCCS 3459 (CanLII) implique la certification d’une action collective par un inventeur (Benjamin Bérubé) contre la Fédération des inventeurs du Québec (la «FDIQ»), une organisation disant vouloir aider les inventeurs à protéger leurs inventions, en échange de frais généralement plus modestes que ceux qu’exigent les véritables agents de brevet.

En pratique, faute de moyens financiers suffisants, de nombreux inventeurs se tournent malheureusement vers de telles solutions de rechange aux agents de brevets traditionnels, souvent jugés trop chers. En pratique, cependant, la formule bon marché qu’offre ce genre d’organisation s’avère souvent décevante pour les inventeurs. De nombreux clients s’estimant floués ont déposé des procédures judiciaires contre la FDIQ au fil des années, remettant en question la qualité des services reçus chez elle. Radio-Canada rapporte d’ailleurs que «L’Office de la protection du consommateur a pour sa part reçu une cinquantaine de plaintes».

Dans le cas de la poursuite logée par M. Bérubé, le représentant (proposé) allègue que la FDIQ s’est montrée négligente dans sa prestation de services liés à une invention, notamment en bâclant une recherche d’art antérieur pour lui. Devant une prestation dont la qualité laissait clairement à désirer, M. Bérubé demande à la C.S. d’autoriser une action collective qui lui permettrait de poursuivre la FDIQ en son propre nom, mais surtout au nom de tous les individus clients depuis le début de ses activités en 2014.

Selon la requête introductive de M. Bérubé, son dossier démontrerait l’existence de nombreuses irrégularités quant aux services rendus par la FDIQ, incluant:  

les recherches effectuées par la FIQ seraient déficientes en ce qu’elles ne feraient pas état de certaines antériorités potentiellement fatales au dépôt d’un brevet permanent;

la FIQ n’aurait pas assuré un suivi adéquat de son dossier;

la demande de brevet provisoire préparée par la FIQ serait déficiente, notamment parce qu’elle comporterait de nombreuses erreurs de syntaxe et de grammaire;

M. Bérubé n’aurait jamais eu l’occasion d’obtenir une subvention aux termes du programme que la FIQ prétendait administrer;

M. Bérubé n’aurait jamais été en mesure de mener à terme le processus de brevetage de son invention avec l’aide de la FIQ, et il aurait été contraint de faire appel à une autre entreprise afin de poursuivre ses démarches.

À ce stade, la question qui se présentait ici au tribunal était de savoir si on devait autoriser l’exercice de cette action collective par ce représentant précis. Pour ce faire, conformément à l’article 575 du Code de procédure civile, le tribunal devait chercher à évaluer (notamment) si:

les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;

les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;

le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres.

Après avoir analysé le dossier au regard des dispositions de l’article 575, la C.S. autorise finalement l’action à procéder. Selon le tribunal, les faits allégués semblent effectivement donner ouverture au genre de recours et de réparations qu’on envisage demander, en l’occurrence des dommages-intérêts pour tout inventeur qui aurait fait les frais de service inadéquats ou de fausses représentations par la FDIQ. Maintenant que cette action a été autorisée, les procédures peuvent se poursuivre contre la FDIQ et son fondateur, Christian William Varin.

En pratique, cette affaire devrait inciter tous les inventeurs à se méfier des prétendus professionnels qui n’en sont pas réellement. Au besoin, tout inventeur qui a à cœur la protection de son invention a tout avantage à obtenir des conseils de véritables agents de brevets possédant la formation scientifique pertinente à leur invention, en plus de réelles connaissances liées au droit des brevets dans les juridictions où des demandes seront déposées. La protection par brevet est coûteuse, c’est un fait malheureusement incontournable, peu importe ce que peuvent laisser miroiter certains intervenants.