Mettre sa marque au goût du jour c’est bien mais attention de trop en varier l’apparence

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La réalité de l’usage d’une marque de commerce au fil du temps, c’est que, tôt ou tard, les entreprises veulent à peu près invariablement en modifier l’apparence. Une marque qui semble attrayante une année devient souvent vue comme désuète, ne serait-ce que quelques années plus tard. Résultat, les entreprises enregistrent leur marque et utilisent éventuellement une variation par rapport à ce qui était enregistré. Ce phénomène s’avère très fréquent.

Bien que l’exercice de mettre sa marque au goût du jour puisse s’avérer salutaire d’un point de vue de la mise en marché, ce qu’il faut savoir c’est qu’il existe un risque à ce faire. En effet, à trop modifier l’apparence d’une marque, soit d’un coup soit au fil du temps, on peut très bien éventuellement se retrouver avec une marque dont l’identité visuelle ne correspond plus à ce qu’on a originalement déposé. (Voir, par exemple les affaires : Bowden Wire Ltd. c. Bowden Brake Co. ; Robert Crean & Co. c. Dobbs & Co. et Silhouette Products Ltd. c. Prodon Industries Ltd.)

C’est le problème de la « variation » d’une marque, laquelle peut se produire, notamment, quand on redessine un logo, quand on utilise une marque en conjonction avec une autre (par exemple, l’une à côté de l’autre) ou encore quand on ajoute un élément au début ou à la fin d’une marque existante.

Au Canada, en principe il existe une obligation d’utiliser une marque telle qu’elle a été enregistrée, par exemple afin de bénéficier des avantages qu’offre l’enregistrement par rapport à l’usage en question. (Voir notamment : Canada (Registrar of Trade Marks) c. G.A. Hardie & Co. et Canadian Council of Professional Engineers c. Ing. Loro piana & c. S.P.A.).) À défaut de ce faire, on peut croire utiliser sa marque, pour réaliser trop tard, qu’en droit, ce n’était pas réellement notre marque initiale qu’on employait mais bien une autre.

Le problème de ce côté, c’est que la nouvelle variation, elle, est souvent non-enregistrée et, donc, vulnérable. Si on utilise une marque qui n’a pas été dûment déposée, on peut notamment se faire poursuivre par un tiers dont la propre marque y ressemble, etc. En effet, à défaut d’enregistrement applicable, on ne possède pas de bouclier, nous exposant alors à une responsabilité éventuelle en cas de réclamation ou de poursuite par une autre entreprise.

Inversement, on peut aussi supprimer un enregistrement si son détenteur ne peut démontrer qu’il a bel et bien récemment utilisé cette marque au Canada. Si ce qu’on a utilisé est une variation, l’enregistrement pourrait être radié à la demande d’un tiers, exposant alors l’entreprise, comme si elle n’avait pas pris la peine d’enregistrer sa marque. Ce risque est bien réel et on voit des cas où cela arrive.

Bien qu’une telle variation soit généralement à décourager, la jurisprudence canadienne la plus récente quant à cette question semble indiquer que l’important, au final, c’est d’éviter que les membres du public soient trompés et qu’ils subissent un préjudice. Si ce n’est pas le cas mais qu’on peut justifier et expliquer adéquatement la variation de la marque en question, alors les tribunaux pourront la trouver acceptable si (et seulement si!) on peut encore reconnaitre la marque originale. À défaut, si par exemple la variation a trop modifié l’identité propre de la marque originale, alors on pourrait être en présence de ce qu’on considérera comme une nouvelle marque. (À ce sujet, voir : Saccone & Speed Ltd. c. Canada (Registrar of Trade Marks); Barbara Barbara Inc. c. Barbara S.A. ; Riches, McKenzie & Herbert c. J.M.J. Holdings Ltd. ; et George Weston Ltd. c. Corporate Foods Ltd., etc.)

Pour pallier à ce problème, on recommande aux entreprises qui optent pour modifier leur marque d’effectuer une analyse périodique, afin de voir s’il s’avère alors judicieux (voire nécessaire) de déposer une nouvelle demande d’enregistrement.